Thermoélectricité

Découvert puis compris au cours du XIXe siècle grâce aux travaux de Seebeck, Peltier ou encore Lord Kelvin, l'effet thermoélectrique est un phénomène physique présent dans certains matériaux : il y lie le flux de chaleur qui les traverse au...



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Thermoélectricité - Transfert thermique - Énergie - Électronique - Génie énergétique

Découvert puis compris au cours du XIXe siècle grâce aux travaux de Seebeck, Peltier ou encore Lord Kelvin, l'effet thermoélectrique est un phénomène physique présent dans certains matériaux : il y lie le flux de chaleur qui les traverse au courant électrique qui les parcourt. Cet effet est à la base d'applications de réfrigération (ex. module Peltier) et de génération d'électricité : un matériau thermoélectrique va permettre de transformer directement de la chaleur en électricité, ou de déplacer des calories par l'application d'un courant électrique.

La plupart des matériaux possédant des propriétés thermoélectriques intéressantes ont été découverts au cours des décennies 1950 et 1960. C'est surtout le cas du tellurure de bismuth (Bi2Te3) utilisé dans les modules Peltier commerciaux, ou des alliages silicium-germanium (SiGe) utilisés pour l'alimentation des sondes spatiales dans des générateurs thermoélectriques à radioisotope.

Jusqu'désormais, les rendements peu élevés et les coûts importants des dispositifs de conversion thermoélectriques les ont limités à un marché de niche. Néanmoins, des progrès récents ainsi qu'un nouvel intérêt pour ces dispositifs, dû à la fois à la hausse des coûts de l'énergie ainsi qu'aux exigences environnementales, ont conduit à un renouveau important des recherches scientifiques dédiées à cette technologie (voir par exemple[1]).

Aspects historiques[2], [3]

Article détaillé : Effet Seebeck.

Le premier effet thermoélectrique a été découvert par le physicien allemand Thomas Johann Seebeck en 1821. Ce dernier remarqua qu'une aiguille métallique est déviée quand elle est positionnée entre deux conducteurs de natures différentes liés par des jonctions à leurs extrémités et soumis à un gradient thermique (voir effet Seebeck). Il interprète ses observations en postulant un lien entre champ magnétique et différence de température entre les deux jonctions et établit le sens de déviation de l'aiguille pour la plupart de couples. Il pense ainsi avoir trouvé une explication à l'origine du champ magnétique terrestre[4]. En réalité, l'effet observé est d'origine électrique : une différence de potentiel apparaît à la jonction de deux matériaux soumis à une différence de température. L'utilisation la plus connue de l'effet Seebeck est la mesure de température avec thermocouples.

Quelques années plus tard, en 1834, le physicien français Jean Peltier découvrit le second effet thermoélectrique : une différence de température apparaît aux jonctions de deux matériaux de natures différentes soumis à un courant électrique (voir effet Peltier). En 1838, Heinrich Lenz montre que de la chaleur est absorbée ou libérée à une jonction suivant le sens du courant. [5]

Le physicien anglais William Thomson (Lord Kelvin) montra en 1851 que les effets Seebeck et Peltier sont liés : un matériau soumis à un gradient thermique et parcouru par un courant électrique échange de la chaleur avec le milieu extérieur. Réciproquement, un courant électrique est généré par un matériau soumis à un gradient thermique et parcouru par un flux de chaleur. La différence principale entre les effets Seebeck et Peltier reconnus scindément et l'effet Thomson est l'existence de ce dernier pour un seul matériau et l'inutilité d'une jonction (voir effet Thomson).

Applications potentielles

Les applications actuelles et potentielles des matériaux thermoélectriques tirent parti des deux aspects de l'effet Thomson :

D'une part, l'établissement d'un flux de chaleur, opposé à la diffusion thermique, quand un matériau soumis à un gradient thermique est parcouru par un courant, permet d'envisager des applications de réfrigération thermoélectrique. Cette solution alternative à la réfrigération classique utilisant des cycles de compression-détente ne nécessite aucune pièce mobile, d'où une plus grande fiabilité, l'absence de vibration et de bruit. Ces propriétés sont principales dans des applications pour lesquelles la température doit être régulée de manière particulièrement précise et fiable, comme par exemple pour les containers utilisés pour le transport d'organes à transplanter, ou pour des applications dans lesquelles les vibrations forment une gêne énorme, comme par exemple les dispositifs de guidage laser ou les circuits intégrés. Qui plus est , la possibilité de créer un flux thermique à partir d'un courant électrique de manière directe rend inutile l'utilisation de gaz de type fréon, qui contribuent à dégrader la couche d'ozone.

Article détaillé : Refroidissement thermoélectrique.

D'autre part, la possibilité de convertir un flux de chaleur en courant électrique permet d'envisager des applications de génération d'électricité par effet thermoélectrique, surtout à partir de sources de chaleur perdue comme les pots d'échappement des automobiles (gain de 5%[6] à 10%[7] du carburant attendu en limitant l'utilisation de l'alternateur), les cheminées d'incinérateurs, les circuits de refroidissement des centrales nucléaires… Les dispositifs thermoélectriques formeraient alors des sources d'énergie d'appoint «propres», puisque, utilisant des sources de chaleur existantes inutilisées.
De plus, la très grande fiabilité et durabilité des dispositifs (grâce à l'absence de pièces mobiles) a conduit à leur utilisation pour l'alimentation en électricité des sondes spatiales. C'est surtout le cas de la sonde Voyager, lancée en 1977, dans laquelle le flux de chaleur établi entre du PuO2 fissile (PuO2 est radioactif et se désintègre, c'est par conséquent une source de chaleur) et le milieu extérieur traverse un dispositif de conversion thermoélectrique à base de SiGe (alliage de silicium et germanium), donnant la possibilité l'alimentation de la sonde en électricité (en effet, les sondes spatiales s'éloignant au-delà de Mars ne peuvent pas être alimentées par des panneaux solaires, le flux solaire étant trop faible). Voir l'article Générateur thermoélectrique à radioisotope.

Les dispositifs de conversion utilisant l'effet thermoélectrique ont cependant des rendements faibles, que ce soit en génération d'électricité ou en réfrigération (voir plus loin). L'obtention de meilleurs rendement est coûteuse, ce qui limite pour le moment cette technologie à des niches commerciales dans lesquelles la fiabilité et la durabilité sont plus importantes que les coûts et le rendement.

Principes de base, en détails[2]

La conversion d'énergie par effet thermoélectrique (chaleur électricité ou électricité chaleur) est basée à la fois sur les effets Seebeck, Peltier et Thomson.

Bref rappel sur les cœfficients Seebeck, Peltier et Thomson

Cœfficient Seebeck

Une différence de température dT entre les jonctions de deux matériaux a et b implique une différence de potentiel électrique dV selon :

 S_{ab}=\frac{dV}{dT}\,

Le cœfficient Seebeck, aussi nommé «Pouvoir Thermoélectrique» s'exprime en V. K-1 (ou d'une façon plus générale en µV. K-1 au vu des valeurs de ce cœfficient dans les matériaux usuels).

Les cœfficients Seebeck des deux matériaux sont reliés au cœfficient Seebeck du couple selon :

 S_{ab}=S_a-S_b\,

Cœfficient Peltier

Dans le cas de l'effet Peltier, un courant électrique I est imposé à un circuit composé de deux matériaux, ce qui entraîne une libération de chaleur Q à une jonction et une absorption de chaleur à l'autre jonction, selon :

 \Pi_{ab}=\frac{Q}{I}\,

Cœfficient Thomson

Au contraire des cœfficients Seebeck et Peltier, le cœfficient Thomson peut être défini directement pour un seul matériau. Quand sont présents simultanément un gradient de température et un courant électrique, il y a génération ou absorption de chaleur dans chaque segment de matériau pris individuellement. Le gradient de flux thermique au sein du matériau est alors donné par :

 \frac{dQ}{dx}=I\frac{dT}{dx}\tau\,

où x est la coordonnée spatiale et τ est le cœfficient Thomson du matériau.

Relations entre les cœfficients Seebeck, Peltier et Thomson

Kelvin a montré que les trois cœfficients Seebeck, Peltier et Thomson ne sont pas indépendants les uns des autres. Ils sont liés par les deux relations :

 \Pi_{ab}=S_{ab}T \,
 \tau_a-\tau_b=T\frac{dS_{ab}}{dT} \,

Principes de la conversion d'énergie par effet thermoélectrique

Module connecté en série électriquement et en parallèle thermiquement

Pour la réfrigération ou la génération d'électricité par effet thermoélectrique, un «module» est constitué de «couples» connectés électriquement. Chacun des couples est constitué d'un matériau semi-conducteur de type p (S>0) et d'un matériau semi-conducteur de type n (S<0). Ces deux matériaux sont joints par un matériau conducteur dont le pouvoir thermoélectrique est supposé nul. Les deux branches (p et n) du couple et tous les autres couples composant le module sont connectés en série électriquement et en parallèle thermiquement (voir schéma à droite). Cette disposition permet d’optimiser le flux thermique qui traverse le module et sa résistance électrique. Par souci de simplicité, nous raisonnerons dans la suite sur un seul couple, constitué de deux matériaux de sections constantes.

Module de réfrigération thermoélectrique

La figure à droite présente le schéma de principe d'un couple p-n utilisé pour la réfrigération thermoélectrique. Le courant électrique est imposé de telle manière que les porteurs de charge (électrons et trous) se déplacent de la source froide à la source chaude (au sens thermodynamique) dans les deux branches du couple. Ce faisant, ils contribuent à un transfert d'entropie de la source froide à la source chaude, et par conséquent à un flux thermique qui va s'opposer à celui de la conduction thermique. Si les matériaux choisis ont de bonnes propriétés thermoélectriques (nous verrons ensuite quels sont les paramètres importants), ce flux thermique créé par le mouvement des porteurs de charge sera plus important que celui de la conductivité thermique. Le dispositif permettra par conséquent d'évacuer de la chaleur depuis la source froide vers la source chaude, et agira alors comme un réfrigérateur.

Dans le cas de la génération d'électricité, c'est le flux de chaleur qui entraîne un déplacement des porteurs de charge et par conséquent la naissance d'un courant électrique.

Rendement de conversion et paramètres importants

Calcul du rendement de conversion d'un dispositif thermoélectrique

Le calcul du rendement de conversion d'un dispositif thermoélectrique s'effectue en déterminant la relation entre le flux de chaleur et le courant électrique dans le matériau. Il nécessite l'utilisation des relations de Seebeck, Peltier et Thomson (voir plus haut), mais également des lois de propagation de la chaleur et du courant électrique.

L'exemple suivant présente le calcul du rendement de conversion dans le cas de la réfrigération (celui de la génération d'électricité peut être effectué par des raisonnements analogues).

Reprenons par conséquent le schéma précédent. Dans chacune des deux branches du couple, le flux de chaleur généré par l'effet Peltier s'oppose à la conductivité thermique. Les flux totaux sont par conséquent dans la branche p et la branche n :

 Q_p=S_pIT-\lambda_pA_p\frac{dT}{dx} \, et  Q_n=-S_nIT-\lambda_nA_n\frac{dT}{dx} \,

avec x la coordonnées spatiale (voir schéma), λp et λn les conductivités thermiques des matériaux, et Ap et An leurs sections.

La chaleur est par conséquent extraite de la source froide avec un flux Qf :

 Q_f=(Q_n+Q_p)_{|x=0} \,

Dans le même temps, le courant qui parcourt les deux branches est à l'origine d'une création de chaleur par effet Joule I2ρ/A par unité de longueur des branches. En utilisant l'équation de Domenicali [8] et en supposant que le cœfficient Thomson est nul (cela revient à supposer que S est indépendant de la température, voir la relation de Thomson), la conservation de l'énergie dans le dispositif s'écrit dans les deux branches :

 -\lambda_pA_p\frac{dˆ2T}{dxˆ2}=\frac{Iˆ2\rho_p}{A_p}\, et  -\lambda_nA_n\frac{dˆ2T}{dxˆ2}=\frac{Iˆ2\rho_n}{A_n}\,

En considérant des conditions aux limites T=Tf en x=0 et T=Tc en x=Lp ou x=Ln avec Lp et Ln les longueurs des branches p et n, Tf et Tc les températures des sources froide et chaude, Qf s'écrit :

 Q_f=(S_p-S_n)IT_f-K\triangle\mathrm{T}-\frac{1}{2}Iˆ2R\,

avec K et R les conductance thermique et résistance électrique totales des branches du couple :

 K=\frac{\lambda_pA_p}{L_p}+\frac{\lambda_nA_n}{L_n}\, et  R=\frac{L_p\rho_p}{A_p}+\frac{L_p\rho_p}{A_p}\,

La puissance électrique W apportée au couple correspond à l'effet Joule ainsi qu'à l'effet Seebeck, soit :

 W=I[(S_p-S_n)\triangle\mathrm{T}+IR]\,

Le rendement du dispositif de réfrigération thermoélectrique correspond au rapport de la chaleur extraite de la source froide à la puissance électrique dissipée, soit :

 \eta=\frac{Q_f}{W}=\frac{(S_p-S_n)IT_f-K\triangle\mathrm{T}-\frac{1}{2}RIˆ2}{I[(S_p-S_n)\triangle\mathrm{T}+IR]}\,

Pour une différence de température ΔT donnée, le rendement dépend du courant électrique imposé. Deux valeurs spécifiques du courant permettent de maximiser soit le rendement de conversion η soit la chaleur extraite de la source froide Q_f.

Par un raisonnement identique, le rendement d'un couple p-n utilisé en génération d'électricité sera donné par le rapport de la puissance électrique utile délivrée à une résistance de charge r au flux thermique traversant le matériau :

 \eta=\frac{P_u}{Q_c}=\frac{I[(S_p-S_n)\triangle\mathrm{T}-IR]}{(S_p-S_n)IT_c+K\triangle\mathrm{T}-\frac{1}{2}(R+r)Iˆ2}\,

Ici encore, deux valeurs spécifiques de I maximisent soit le rendement de conversion soit la puissance électrique délivrée par le dispositif.

Paramètres importants pour obtenir un bon rendement

En maximisant ces deux rendements de conversion, on peut montrer qu'ils dépendent seulement des températures Tf et Tc et d'une grandeur adimensionnelle ZpnTM nommée «facteur de mérite» (TM est la température moyenne du dispositif, TM= (Tf+Tc) /2) dont l'expression est :

 Z_{pn}=\frac{(S_p-S_n)ˆ2}{RK} \,

On remarque que Zpn pour un couple n'est pas une quantité intrinsèque au matériau mais dépend des dimensions relatives des branches du module au travers de R et K (résistance électrique et conductance thermique). Le rendement de conversion du dispositif (en génération d'électricité comme en refroidissement) est maximum quand Zpn est maximum, par conséquent quand le produit RK est minimum, ce qui est vérifié quand :

 \frac{L_nA_p}{L_pA_n}=\left (\frac{\rho_p\lambda_n}{\rho_n\lambda_p}\right )ˆ2\,

Le facteur de mérite Zpn devient alors fonction seulement de paramètres intrinsèques aux matériaux :

 Z_{pn}=\frac{(S_p-S_n)ˆ2}{(\sqrt{\lambda_p\rho_p}+\sqrt{\lambda_n\rho_n})ˆ2}\,

Pour obtenir un rendement de conversion maximum, il convient par conséquent de choisir les matériaux constituant le couple de façon à maximiser Zpn. En règle générale, cela ne revient pas simplement à optimiser individuellement les deux matériaux pour optimiser leurs facteurs de mérite respectifs Z=S2/ (ρλ). À la majorité des températures utilisées dans la pratique, et surtout celles utilisées pour la génération d'électricité, les propriétés thermoélectriques des meilleurs matériaux de type p et de type n sont identiques. Dans ce cas, le facteur de mérite du couple est proche de la moyenne des facteurs de mérite individuels, et il est raisonnable d'optimiser les deux matériaux indépendamment l'un de l'autre.

L'optimisation de matériaux pour une utilisation dans la conversion d'énergie par effet thermoélectrique passe par conséquent obligatoirement par l'optimisation de leurs propriétés de transport électriques et thermiques de façon à maximiser le facteur de mérite :

 ZT=\frac{Sˆ2T}{\rho\lambda}\,

Un bon matériau thermoélectrique possèdera par conséquent simultanément un cœfficient Seebeck élevé, une bonne conductivité électrique (c. -à-d. une faible résistance électrique), et une faible conductivité thermique.

Évolution du rendement de conversion selon le facteur de mérite.

La figure ci-contre montre l'évolution du rendement de conversion d'un dispositif thermoélectrique dans des conditions parfaites selon le facteur de mérite ZT. A titre d'exemple, si ZT=1 et que la différence de température est de 300 °C, le rendement de conversion sera de 8 %, ce qui veut dire suivant le cas (génération d'électricité ou réfrigération) que 8 % de la chaleur traversant le matériau sera convertie en électricité, ou quoique la chaleur extraite par le refroidissement correspondra à 8 % de la puissance électrique employée.

Modules thermoélectriques

Optimisation géométrique

Nous avons vu que les propriétés de conversion d'un couple de matériaux thermoélectriques constituant un module ne sont pas seulement intrinsèques : elles dépendent aussi de la géométrie du dispositif (longueur et section des branches du module) dont dépendent la résistance électrique R et la conductance thermique K des branches. Il faut en effet que K soit suffisamment faible pour qu'un gradient thermique puisse être maintenu, tout en étant suffisamment élevée pour que de la chaleur traverse le module : si K est nulle aucune chaleur ne traverse le module et il n'y a par conséquent pas de conversion. De même, R doit être choisie de façon à avoir le meilleur compromis envisageable entre la puissance électrique et la différence de potentiel électrique. Une fois les matériaux constituant le module choisis (grâce au facteur de mérite ZT), il est par conséquent indispensable d'optimiser la géométrie du dispositif pour pouvoir obtenir le rendement de conversion, la puissance électrique ou la chaleur extraite maximum selon l'application du module.

Modules segmentés

Les matériaux utilisés dans les modules de conversion thermoélectrique ne sont le plus souvent efficaces que dans une gamme de température restreinte. Ainsi, l'alliage SiGe utilisé pour l'alimentation de la sonde Voyager n'est efficace qu'à des températures supérieures à 1 000 K à peu près. Il peut par conséquent être intéressant, pour des applications où le gradient de température est particulièrement grand, d'utiliser plusieurs matériaux thermoélectriques dans chaque branche, chacun dans la gamme de température pour laquelle il est le plus efficace. On parle alors de module thermoélectrique segmenté.

Module thermoélectrique «segmenté».

La figure ci-contre illustre le concept de module thermoélectrique segmenté. Nous avons ici un gradient de température particulièrement important (700 K de différence entre la zone chaude et la zone froide), et aucun matériau connu n'est efficace dans toute la gamme de température. Chacune des deux branches du couple est par conséquent constituée de plusieurs matériaux (ici deux pour la branche n et trois pour la branche p). La longueur de chacun de ces matériaux est choisie pour qu'il soit utilisé dans la gamme de température où il est le plus efficace. Un tel module permettra par conséquent d'obtenir un rendement de conversion, une puissance électrique, ou une chaleur extraite, nettement plus élevée que si chaque branche n'était composée que d'un seul matériau. Ainsi, les meilleurs rendements obtenus en laboratoire avec ce type de modules sont à l'heure actuelle voisins de 15 % (ce qui veut dire que 15 % de la chaleur traversant le matériau est convertie en puissance électrique). Les modules segmentés sont cependant d'un prix bien plus élevé que les modules «simples», ce qui les restreint à des applications pour lesquelles le coût n'est pas le facteur de choix décisif.

Les matériaux thermoélectriques

Matériaux utilisés dans les systèmes actuels

Basses températures

Le matériau thermoélectrique le plus fréquemment utilisé aux basses températures (150 K-200 K), est constitué sur la base de Bi1-xSbx (alliage de bismuth et d'antimoine) et ne présente malheureusement de bonnes propriétés thermoélectriques qu'en type n (conduction par les électrons), ce qui restreint le rendement de conversion du dispositif puisque aucun matériau n'est efficace en type p dans cette gamme de température (rappelons qu'un dispositif de conversion thermoélectrique est constitué à la fois de branches p et n). Curieusement, tandis que ses propriétés sont assez moyennes (ZT∼0, 6), l'application d'un champ magnétique sert à doubler le facteur de mérite qui dépasse alors l'unité. Ce matériau est par conséquent le plus souvent utilisé en association avec un aimant permanent. [9]

Voisinage de la température ambiante

Le matériau le plus étudié à l'heure actuelle est Bi2Te3 (alliage de bismuth et de tellure). Il est utilisé dans l'ensemble des systèmes fonctionnant au voisinage de la température ambiante, ce qui inclut la majorité des systèmes de réfrigération thermoélectrique. Les meilleures performances sont obtenues quand il est allié à Sb2Te3 (alliage d'antimoine et de tellure) qui possède la même structure cristalline[10]. Des échantillons de type p comme de type n peuvent être obtenus par de petites variations de composition au voisinage de la stœchiométrie. Dans les deux cas, des valeurs du facteur de mérite ZT proches de 1 sont obtenues au voisinage de la température ambiante[11]. Ces bonnes valeurs de ZT sont obtenues en partie grâce à la très faible conductivité thermique λ, proche de 1 W. m-1. K-1 dans les meilleurs matériaux.

Températures intermédiaires

Pour une utilisation à moyenne température (550 K-750 K à peu près), le matériau le plus utilisé est le tellure de plomb PbTe et ses alliages (PbSn) Te (Sn = étain). Les deux composés PbTe et SnTe peuvent former une solution solide complète ce qui permet d'optimiser le gap (bande interdite du semi-conducteur) à la valeur désirée. Les meilleurs matériaux obtenus ont des facteurs de mérite proches de l'unité autour de 700 K[12]. Cependant, ces valeurs sont obtenues seulement dans les matériaux de type n. PbTe ne peut par conséquent pas à l'heure actuelle former à lui seul les deux branches d'un thermoélément. La branche p est par conséquent le plus souvent constituée d'un matériau de type TAGS (pour Tellure-Antimoine-Germanium-Argent), qui quant à lui permet d'obtenir des facteurs de mérite supérieurs à l'unité à 700 K seulement en type p[13]. Il apparaît par conséquent essentiel de développer un nouveau matériau qui puisse être utilisé à la fois en type p et en type n dans cette gamme de température. Il est en effet plus facile industriellement d'utiliser le même type de matériau pour les deux branches (et cela permettrait de plus d'éliminer le tellure fortement toxique). [14]

Hautes températures

Les alliages à base de silicium et germanium possèdent de bonnes caractéristiques thermoélectriques aux hautes températures (au-dessus de 1 000 K) et sont surtout utilisés pour la génération d'électricité dans le domaine spatial[15], [16]. Ce sont surtout des alliages de ce type qui sont utilisés pour l'alimentation en électricité de la sonde Voyager.

Optimisation des matériaux thermoélectriques

L'expression du facteur de mérite ZT= (S2T) / (ρλ) résume à elle seule la difficulté à optimiser les propriétés de transport d'un matériau thermoélectrique. Intuitivement, il paraît complexe pour un matériau de posséder simultanément une bonne conductivité électrique et une mauvaise conductivité thermique, caractéristique des isolants. Parfaitement, un bon matériau thermoélectrique devrait ainsi posséder tout à la fois la conductivité électrique d'un métal et la conductivité thermique d'un verre ![17]

Le numérateur du facteur de mérite ZT, S2σ (σ est la conductivité électrique, inverse de la résistivité électrique : σ=1/ρ) est appelé facteur de puissance. En génération d'électricité par effet thermoélectrique, la puissance utile sera d'autant plus grande que le facteur de puissance sera grand. Malheureusement, le cœfficient Seebeck et la conductivité électrique ne sont pas indépendants l'un de l'autre, et fluctuent de manière opposée avec la concentration en porteurs de charge (concentration d'électrons ou de trous, voir semi-conducteur)  : les meilleurs pouvoirs thermoélectriques seront obtenus dans des matériaux de faible concentration en porteurs alors que les meilleures conductivités électriques le seront dans des matériaux à forte concentration de porteurs. Par compromis, les meilleurs matériaux thermoélectriques appartiendront par conséquent à la classe des semi-conducteurs.

Le second facteur important dans l'expression du facteur de mérite ZT (en sus du facteur de puissance) est la conductivité thermique : un matériau aura des propriétés thermoélectriques optimales pour une faible conductivité thermique. En effet, de manière intuitive, une bonne conductivité thermique tendrait à s'opposer à l'établissement du gradient thermique : la chaleur traverserait le matériau sans rencontrer de résistance. L'optimisation des matériaux nécessitera par conséquent de chercher à diminuer la conductivité thermique, sans dégrader la conductivité électrique. Seule la contribution des vibrations du réseau (voir conductivité thermique) devra par conséquent être diminuée, et pas la contribution due aux porteurs de charge (électrons ou trous).

Voies de recherche

Nous avons vu dans le paragraphe précédent que les meilleurs matériaux utilisés à l'heure actuelle dans les systèmes de conversion thermoélectrique possèdent des facteurs de mérite ZT voisins de 1. Cette valeur ne permet pas d'obtenir des rendements de conversion qui rendent ces dispositifs rentables économiquement pour des applications «grand public». A titre d'exemple, il faudrait des matériaux pour lesquels ZT=3 pour pouvoir développer un réfrigérateur domestique concurrentiel. Pour les dispositifs de génération d'électricité (qui pourraient être utilisés par exemple sur le pot d'échappement de voitures ou camions, ou sur des microprocesseurs), deux moyens permettraient d'augmenter la rentabilité des dispositifs : une augmentation significative de leurs rendements (avec par exemple ZT>2), ou bien une diminution des coûts. L'objectif de ce paragraphe est de présenter de manière non exhaustive quelques voies de recherche aujourd'hui suivies, tant dans des laboratoires industriels que publics.

Structures de basse dimensionnalité

On appelle structure de basse dimensionnalité une mise en forme d'un matériau pour laquelle une ou plusieurs dimensions sont particulièrement petites comparé aux autres. C'est par exemple le cas des couches minces en micro-électroniques (structure 2D), de nanofils (structure 1D) ou de nanopoudres (structure 0D), par opposition au matériau massif qui possède 3 dimensions. Ces structures possèdent le plus souvent des propriétés assez différentes du matériau massif de même composition. Dans le domaine de la thermoélectricité, l'objectif de la recherche est double : chercher à perfectionner le rendement de conversion en utilisant des structures de basse dimensionnalité, tout en bénéficiant des dispositifs de fabrication en grande série utilisés en micro-électronique. L'étude des structures de basse dimensionnalité est devenue particulièrement importante depuis que des améliorations notables du facteur de mérite ZT y ont été prédites théoriquement puis observées expérimentalement[18]. Les deux principaux effets observés sont une forte diffusion des phonons par les joints de grains (frontières entre les différents grains constituant le matériau) induisant une diminution de la conductivité thermique de réseau, et des effets de confinement (phénomène de type quantique) des porteurs de charge qui modifient fortement les propriétés de transport électrique (conductivité électrique et cœfficient Seebeck). Des valeurs particulièrement élevées du facteur de mérite ZT, de l'ordre de 2, 5 à la température ambiante, ont ainsi été observées en laboratoire dans des structures en couches minces[19]. À l'heure actuelle, ces structures sont essentiellement envisagées pour des applications à des températures basses ou moyennes (<150-200 °C). Une des principales difficultés est en effet d'obtenir des couches minces thermoélectriques dont les propriétés ne se dégradent pas avec la température.

Identification et optimisation de nouveaux matériaux

Principes

Nous avons vu auparavant que pour obtenir un bon rendement de conversion, les matériaux doivent avoir une conductivité thermique la plus faible envisageable et une conductivité électrique la plus forte envisageable. Il doit par conséquent parfaitement conduire le courant électrique comme un métal, et la chaleur comme un verre.

Différentes propriétés peuvent permettre à la conductivité thermique d'un cristal (les métaux ont une structure cristallisée) de s'approcher de celle d'un verre (les verres sont amorphes). Ce sont essentiellement :

Matériaux prometteurs spécifiquement étudiés

Actuellement, trois classes de matériaux sont spécifiquement étudiées suivant ces recommandations (structure complexe et atomes faiblement liés). Ce sont :

Voir aussi

Bibliographie

En l'absence d'ouvrage de référence traitant de la thermoélectricité en français, il est envisageable de consulter :

Lien externe

Notes et références

Cet article est basé en grande partie sur l'introduction de la thèse de doctorat "Étude de skutterudites de terres-rares (R) et de métaux d (M) du type RM4Sb12 : de nouveaux matériaux thermoélectriques pour la génération d'électricité. [28]

  1. C. B. Vining, ZT ∼ 3.5 : Fifteen Years of Progress and Things to Come, 5th european conference on thermœlectrics, Odessa, 2007, texte.
  2. G. S. Nolas, J. Sharp and G. H. J., Thermœlectrics, basic principles and new materials developments, Springer 2001.
  3. G. D. Mahan, B. C. Sales and J. Sharp, Thermœlectric materials : new approaches to an old problem, Physics Today, Vol. 50 (1997), pp. 42.
  4. T. J. Seebeck, Magnetische Polarisation der Metalle und Erze durch Temperatur-Differenz, Abhandlungen der Königlichen Preußischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin 265 (1823)
  5. D. D. Allred, An overview of thermœlectrics in "Short course on thermœlectrics", edited by the International thermœlectric society, 1993
  6. Récupération de la chaleur des gaz d'échappement sur une BMW 530i, 2008, caradisiac. com. Consulté le 29/12/09
  7. K. Matsubara, Development of a high efficient thermœlectric Stack for a waste exhaust heat recovery of vehicles, Proc 21st International Conference on Thermœlectrics- Long Beach (CA) USA, 2002, pp. 418.
  8. C. A. Domenicali, Stationary temperature distribution in an electrically heated conductor, Journal of Applied Physics, Vol. 25 (1954), pp. 1310.
  9. W. M. Yim and A. Amith, Bi-Sb alloys for magneto-thermœlectric and thermomagnetic cooling, Solid-State Electron., Vol. 15, No. 10 (1972), pp. 1141.
  10. O. Yamashita and S. Tomiyoshi, Effect of annealing on thermœlectric properties of bismuth telluride compounds, Japanese Journal of Applied Physics, Vol. 42 (2003), pp. 492.
  11. H. Goldsmid, Thermœlectric refrigeration, 1964
  12. Z. H. Dughaish, Lead telluride as a thermœlectric material for thermœlectric power generation, Physica B, Vol. 322 (2002), pp. 205.
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  14. fiche internationale de sécurité pour le tellure : http ://www. cdc. gov/niosh/ipcsnfrn/nfrn0986. html
  15. B. Abeles, D. S. Beers, G. D. Cody et coll., Thermal conductivity of Ge-Si alloys at high temperatures, Physical Review, Vol. 125 (1962), pp. 44.
  16. O. Yamashita and N. Sadatomi, Thermœlectric properties of Si1-xGex (x<0.10) with alloy and dopant segregations, Journal of Applied Physics, Vol. 88, No. 1 (2000), pp. 245.
  17. G. A. Slack, in Thermœlectric Handbook- Ed. Rowe DM- Chemical Rubber Company, Boca Raton FL (1995), pp. 407.
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  28. Thèse disponible en ligne sur tel. ccsd. cnrs. fr
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